Mon petit papy, Notre courageux papy,
Tu nous as montré ce qu’est le vrai courage, la vraie force et le véritable amour.
Tu l’as montré toute ta vie, de ton enfance jusqu’à aujourd’hui.
À six ans, tu as dû prendre un rôle qui n’était pas le tien.
Tu n’étais pas l’aîné, mais le troisième d’une fratrie de sept. Pourtant, c’est toi qui as quitté l’école après une seule journée, une seule journée où tu as pu vivre comme un enfant.
Dès le lendemain, ton quotidien a été rempli de responsabilités et de travail dans les champs.
Tu as sacrifié ton enfance, pour que tes frères et sœurs puissent garder la leur plus longtemps.
Tu as laissé ton innocence dans ces champs, mais tu es reparti avec une famille.
Tu as rencontré mamie, et ta vie a trouvé un sens.
Plus tard, tu as eu la force de quitter ton pays, fuyant la violence et la dictature, pour offrir une vie plus digne à ta famille.
Tu as laissé derrière toi l’entreprise que tu avais bâti de tes mains, tes repères, tes racines, pour protéger les tiens.
Tu es parti le premier, en éclaireur, pour préparer l’arrivée de mamie et de vos six enfants.
Beaucoup attendaient six mois ou plus, certains abandonnaient même leur famille.
Mais toi, tu n’as pas supporté la séparation.
Au bout d’un mois, tu as tout fait pour les faire venir, car c’était trop dur de vivre sans eux.
Mamie est donc partie avec les enfants, emportant toutes vos économies pour payer le passeur.
Ils ont traversé l’Espagne à pied, en pleine nuit. L’exil a été difficile, mais rien n’a pu briser vos retrouvailles.
Une fois réunis, ton métier de bûcheron a failli te coûter la vie. Trois mois après ton arrivée en France, un grave accident de tronçonneuse t’a blessé à la jambe.
Ne parlant pas un mot de français, mamie devait faire du stop tous les jours pour être avec toi, de Balleroy à Bayeux, où tu as été hospitalisé 4 mois.
Tu as tout perdu, et ta jambe t’a fait souffrir jusqu’à la fin de ta vie.
Plus il y a d’enfants, plus il y a de vie. Trois autres enfants sont venus compléter la fratrie.
Vous voilà à onze, à tout recommencer au numéro treize.
La vie vous a mis au défi encore une fois avec la maladie.
Après ton accident, il y a eu tes cancers, puis la cécité de mamie.
Tu es devenu ses yeux. Tu t’es occupé d’elle jour et nuit, avec tendresse et bienveillance, jusqu’à la fin.
Tu as été dévasté quand elle est partie, le grand amour de ta vie, le seul, le vrai, le pur.
Fais la danser, riez, soyez libres. Vous avez aujourd’hui l’éternité pour vous aimer.
Mais qu’est-ce qu’on est malheureux ici…
Tu étais notre pilier, celui qui nous rassemblait, celui qui nous guidait.
Tu m’as guidé toute ma vie, surtout quand tu nous as recueilli, maman et moi.
Tu nous as consolé, tu nous as soutenu.
Maman a accueilli Christophe, et toi, tu as naturellement pris le rôle de notre papa.
Tu nous as protégé, élevé et aidé à grandir.
Tu nous as accompagné à l’école, à nos premiers stages.
Tous les mercredis matin on allait au marché tous les 3, on avait le droit de choisir un jouets à chaque fois, ça finissait souvent par deux, trois, jusqu’à que tu n’es plus de pièce dans le porte-monnaie, et pourtant chaque semaine tu nous attendais pour y aller.
Quand venait la fête des pères, c’était à toi qu’on offrait les cadeaux fait à l’école.
Tu occupais cette place dans nos cœurs.
Tu as été présent pour tout le monde, chacun peut témoigner ta gentillesse, de ton grand cœur.
Sur les photos, tu as toujours un enfant dans les bras.
Un petit, dix, vingt… aujourd’hui, te voilà papy de 46 petits.
46 petits à qui tu laisses de beaux souvenirs, de belles histoires.
25 petits-enfants qui ont grandi sous ton toit, joué dans ton jardin, qui ont été aimés et heureux.
C’était notre temple, une joie chaque dimanche de retrouver nos cousins,
Aujourd’hui, ceux sont nos enfants qui grandissent sous ton toit.
Qui sont tellement heureux de venir chez papy, retrouver les enfants de nos cousins.
Jouer, rire et grandir ensemble chaque dimanche,
Comme nous l’avons fait.
Ceux sont nos 21 petits que tu as aimé, que tu as protégé.
Tu disais : « Mets-lui un manteau » alors qu’il faisait 30 degrés, « Donne-lui à manger le pauvre petit » alors qu’il sortait de table.
Ils sont malheureux eux aussi.
Lyam voulait te voir, aller au ciel avec toi.
Diego t’imagine être une étoile, alors nous avons tous regardé le ciel, cherché l’étoile la plus brillante et on t’a envoyé des dizaines de bisous.
On leur parlera de toi, de nos jolis souvenirs,
On leur dira qu’on a eu le meilleur des papis,
Qu’on a été heureux et aimés,
On leur racontera que tu dansais avec nous dans le garage, dans nos boums sauvages,
Que tu nous remplissais une poubelle d’eau l’été,
Je dirais à mes petits garçons qu’avec papi on allait donner le biberon aux bébés lapins.
Que dès que tu sortais la cuillère en bois, c’était sauve qui peut
On leur fera les gâteaux écrasés, et on leur dira que petit, papy nous en faisait.
Que tu accélérais sur les dos d’âne, pour que notre tête touche le plafond
‘ c’était pour vous faire rire ‘ que tu m’as dit il n’y a pas longtemps.
Tu te souvenais de ça, malgré la maladie.
Après le départ de mamie, tu as tenu à ce qu’on sache que tu refusais d’aller en EHPAD, et de mourir seul à l’hôpital. Tu avais peur de ça, tu le répétais régulièrement.
Ta mémoire a commencé à s’effacer, tu as perdu tes repères et tes souvenirs.
Mais jamais tu ne nous as oublié, jamais.
Quand la maladie t’a emprisonné dans ton corps, tu es resté à la maison.
Un roulement s’est mis en place pour ton confort, pour que tu souffres le moins possible.
Ces 8 derniers mois ont été difficiles, longs et très douloureux.
Tu avais tes aides-soignantes privées,
Avec Thea on t’a massé, on a essayé d’alléger tes douleurs avec amour et patience.
Tu nous disais souvent que tu étais chanceux d’avoir des enfants qui s’occupaient bien de toi.
Leurs priorités : Que leur papa puisse s’éteindre dignement et comme il le méritait.
Vous pouvez être fier de vous,
Vous avez été parfait,
Vous avez respecté les dernières volontés de votre papa.
Vous l’avez accompagné, vous l’avez veillé, jour et nuit, jusqu’au bout.
Vous lui avez permis de partir comme il l’espérait.
Tu es parti chez toi, entouré des rires des petits et des pleurs des grands.
Dans ton cocon, au moment où c’était mon tour de te tenir la main.
Quel honneur pour moi que tu ais choisi ce moment, ce lien entre nous, pour t’en aller. C’est un geste que je garderai à jamais en moi, comme ton dernier cadeau.
Mais ça fait mal…
Je pensais être prête à te voir partir, pour que tu sois soulagé de tes souffrances,
Mais,
Papy, j’ai jamais été aussi triste de ma vie.
Nos dimanches vont être bien triste sans toi,
Clap de fin,
Les lumières s’éteignent.
Au revoir papi..